Ils ont encore fait le mur

Samedi :

07h50 : Ils nous manque trois vieux ce matin au petit-dèj, toujours les trois mêmes intrépides. 

8h30 : Non, on a beau chercher, on les trouve pas. Putain ils ont fugué! Le weekend en plus, alors qu'on est en effectifs réduits! Mais on n'a pas le choix, il faut que nous les ramenions. Ou au moins qu'on sache où ils sont allés. On fouille les chambres et on trouve un mail imprimé planqué dans le réservoir d'eau des toilettes. Ils sont de plus en plus fantaisistes dans leur planque. Ils sont partis à Bruniquel, dans le Tarn et Garonne, pour faire de la spéléo. Pas la porte à côté.

9h00 : Fabien, Hugo et moi, on se réunit pour discuter de la marche à suivre. Il nous semble évident qu'il ne vaut mieux rien dévoiler. Ça pourrait donner des idées à d'autres pensionnaires. Non, on va aller les chercher, ou à défaut les localiser plus précisément, et les surveiller. Ça tombe bien, tous les trois on adore la spéléo.

9h45 : Ils ont piqué une voiture. Une des infirmière de nuit tourne en rond sur le parking, hébétée, abattue. On la laisse à sa zombie-walk. On a un peu de route à faire quand même.

12h00 (oui on roule vite) : On a croisé les trois chenapans. Mais on a aussi croisé des amis à nous. Les fugueurs nous ont pas vus, on fera comme si nous non plus, on les avait pas vus. 

13h00 : On part tous faire un peu de spéléo dans les vertes contrées du Tarn et Garonne. Chacun de notre côté, on prend quand même le risque de croiser nos trois évadés.

18h00 : Apéro. Nos trois cascadeurs sont là aussi. Ils se sont mis juste derrière nous mais ne semblent pas nous reconnaître. Ils sont tellement gâteux qu'ils ne se rendent même pas compte qu'ils se servent en boisson dans mon sac (je suis la mule-buvette de la soirée). Ils sont dissipés, ils n'écoutent pas du tout le discours et racontent plein de bêtises en gloussant bêtement avec les amis qu'ils sont venus retrouver ici. Je soupçonne que ces amis sont également des fugueurs. 

20h00 : Nous avons perdus la trace de nos vieux Bigourdans. Tant pis, on s'éclate trop pour en avoir quelque chose à faire. Tant qu'ils ne se font pas mal et qu'ils sont dans leur lit dimanche soir tout va bien. Avec les copains, on va manger dans la salle des fêtes. Manque de chance, on est séparé. On gagne à la tombola, c'est génial!

Dimanche :

00h30 : Je peux conduire, j'ai été raisonnable sur la boisson. On part donc avec Hugo vers un camping situé non loin de là. On veut pas dormir sous la tente, ça caille trop et c'est partout en pente. On choisit un mobil-home au hasard. Il reste de la place, une chambre de libre. On se faufile ni vu ni connu, en partant tôt le lendemain, ça passera crème. 

08h00 : On n'a pas réussi à se lever tôt, les locataires officiels du mobil-home sont réveillés. Tant pis, impro! On va faire style qu'on pensait que c'était le notre.

08h10 : Putain de merde. Les locataires, ce sont nos fugueurs plus si fougueux. Que quelqu'un me calcule la probabilité pour que ça arrive. Choc dans les deux camps. Il faut quand même qu'on soit délicat de notre côté, ils sont plus si jeunes, un accident est vite arrivé. 

08h12 : On se regarde. Hugo regarde Laurent, Laurent regarde Juliette, Juliette regarde Jean-Luc et Geneviève regarde tout le monde (elle a des pupilles cachées dans des pupilles). On tourne un peu, Laurent regarde Hugo, Jean-Luc regarde Geneviève et Juliette se regarde dans le miroir. Elle est contente, elle ne se fait pas peur. 

8h21'15" : Tout le monde parle en même temps pour se justifier.

8h23'47"003''' : Tout le monde a besoin d'un café, y a une réunion aujourd'hui. On laisse courir, pas de sanction.

9h00 : On est en retard pour la réunion. Mais on n'est pas les seuls, donc on se fond dans la masse.

11h00 : Ils sont cool ces p'tits intrépides en fait! On a discuté, rigolé, chuchoté. On est parvenu à un accord, on dira rien à personne, tant qu'ils sont dans leur lit à l'EHPAD ce soir.

Lundi :

07h30 : Nos petits vieux sont à l'heure pour le petit-déjeuner. Il reste bien quelques traces de boues, mais un coup de lingette et ça sera bon. Ils ont l'air très fiers d'eux. Il faut qu'on les garde plus à l’œil.